Pierre et Gilles

Il est des œuvres qui s’inscrivent pour toujours dans notre imaginaire collectif. Au premier coup d’œil, on sait qui sont les artistes qui ont signé telle œuvre. Pierre et...
Shooting Pierre et Gilles et Zahia Dehar © Pierre et Gilles
Shooting Pierre et Gilles et Zahia Dehar © Pierre et Gilles

Shooting Pierre et Gilles et Zahia Dehar © Pierre et Gilles

Il est des œuvres qui s’inscrivent pour toujours dans notre imaginaire collectif. Au premier coup d’œil, on sait qui sont les artistes qui ont signé telle œuvre. Pierre et Gilles ont inventé un style. Unique, indémodable, reconnaissable entre mille. Depuis bientôt presque 40 ans, le duo d’artistes le plus célèbre nous émerveillent de leurs créations, subtile mélange entre photographie, peinture et un zest de magie. Nous avons voulu en leur compagnie revenir aux sources de leur histoire extraordinaire, à la genèse de leur incroyable parcours. Rencontre avec Pierre et Gilles dans leur maison-atelier.

Pierre, Gilles, que faisiez-vous avant de vous rencontrer?

Nous sommes arrivés de Province à Paris, chacun de notre côté. Nous ne nous sommes pas rencontrés de suite. Pierre travaillait comme photographe pour des magazines de musique, de mode. Je faisais surtout des interviews et des portraits en noir et blanc.

Moi (Gilles) je faisais de la pub et des illustrations pour gagner ma vie en sortant des Beaux-Arts. J’avais 20 ans et je cherchais mes marques comme artiste.

On a même travaillé pour tous les deux pour le magazine Façade, une revue underground, mais sans nous connaître encore, à part de vue. Et puis la vraie rencontre eu lieu lors de l’inauguration de la boutique Kenzo place des Victoires. Des amis qui savaient que nous étions timides l’un et l’autre nous ont présenté. Depuis ce jour, nous ne nous sommes plus quittés. Un véritable coup de foudre.

 L’idée de travailler ensemble s’est-elle imposée immédiatement?

Pierre : Il a fallu un peu de temps. Nous nous aidions mutuellement dans nos métiers réciproques et on appréciait le travail de l’un et de l’autre. Et puis c’est venu par hasard. Je travaillais à une série de photos que je voulais inspirée des photomatons. C’est à dire avec des couleurs très vives. Mais les tirages étaient en deçà de mes attentes; les couleurs me paraissaient trop ternes.

Gilles: Nous étions très déçus et alors j’ai eu l’idée de repeindre les clichés. Ca m’est venu comme ça. Et le résultat nous a séduit. Et il y avait surtout le plaisir de travailler ensemble.

 Quelle fut votre première œuvre?

Les Grimaces. Le style était déjà là. Aussitôt suivi du portrait d’Iggy Pop pour le magazine Façade.

Pas de décor?

Non, les décors sont venus quelques années après. Il faut dire que nous n’avions pas la place dans notre appartement à l’époque. Donc au début ce fut des fonds unis avec des couleurs vives, ensuite des fonds avec des motifs psychédéliques. Et ensuite sont venus les décors, petit à petit.

 Et le succès fut-il immédiatement au rendez-vous?

Plutôt au fil du temps.  Nous avons d’abord continué à travailler pour des magazines comme Marie-Claire, Playboy, Gai-Pied ou des créateurs comme Thierry Mugler. Puis vint la pochette de disque d’Amanda Lear qui fut notre première pochette. Nous avions notre petit succès certes. Mais notre première expo n’a eu lieu qu’en 1983. Il aura fallu attendre presque huit ans. Et puis le Japon qui fut le premier pays à s’intéresser vraiment à notre art en organisant une grande expo dès 1984. Après les choses se sont enchainées doucement.

 Est-il vrai que chaque œuvre est précédée d’un dessin préparatoire?

Gilles : Oui c’est un moyen pour discuter. On a le modèle en tête et pour bien visualiser nos idées Pierre fait un dessin pour placer les éléments. Une fois qu’on est bien d’accord, on peut se lancer dans la construction du décor en partant du dessin. Même s’il y a toujours après une grande part d’improvisation.

 Quelle est votre source d’inspiration?

P&G: Le modèle! C’est lui qui nous inspire, toujours. On discute beaucoup avec lui, on cherche à connaître son histoire, sa personnalité, ce qu’il aime, ce qu’il souhaiterait exprimer.

 Comment sélectionnez-vous vos modèles?

P&G : Ce sont des rencontres de la vie. Il s’agit donc d’anonymes, d’ami(e)s, d’artistes. Tout ce fait par réseau comme au sein d’une grande famille.

 Jamais de personnages politiques?

P&G :L’image des politiques est tellement surveillée que ça serait impossible de faire quoi que ce soit. Il n’y aurait pas une complète liberté d’expression. Ils ne se prêteraient pas au jeu.

 Mais vous réalisez aussi des œuvres sur commande?

P&G : Oui de temps en temps et de moins en moins. Il nous faut une totale liberté d’expression artistique. C’est pour ça qu’on ne fait plus de publicité. Mais parfois un travail de commande nous permet aussi de faire de belles rencontres. Comme lorsque nous avons fait le portrait de Karl Lagerfeld pour le magazine Numéro.

 Combien de temps vous prend la création d’une œuvre?

P&G : Ça dépend. Parfois on aimerait travailler avec un modèle mais on n’arrive pas à trouver le thème, la façon de l’aborder. Soit c’est immédiat, du jour au lendemain on à l’idée, soit la recherche du thème pour un modèle peut prendre des semaines, voire des mois. Ensuite entre la création du décors, la photo et la peinture, entre trois semaines et un  mois. Ce qui fait que nous réalisons une quinzaine de tableaux par an. On aimerait plus mais on ne peut pas. C’est un énorme travail.

 Ce qui fait qu’il s’agit à chaque fois d’une œuvre unique?

P&G : C’est toujours une œuvre unique. Comme le tirage est peint à la main, il ne peut pas y avoir deux fois la même.

 Les expos se font alors avec la participation des collectionneurs privés?

P&G : Tout à fait. Les propriétaires de nos œuvres les prêtent le temps d’une exposition comme ce fut le cas au Musée d’Orsay pour Masculin/Masculin.

Vous avez été surpris par votre succès?

P&G : Les choses se sont faites en douceur. Nous étions content de travailler pour la presse. Puis les expos ont permis de donner une nouvelle dimension à notre travail. C’est une aventure de tous les jours. Et puis nous avons toujours l’envie de créer. C’est ce qui nous motive et ce qui nous plaît dans la vie même si on ne sait pas ce qu’on va faire dans un an. On laisse les rencontres créer la surprise.

 Les deux artistes n’ont pas fini de nous surprendre.  Après le succès de l’expo « Masculin/Masculin » au musée d’Orsay, Pierre et Gilles exposent un ensemble d’œuvres inédites consacré au thème des héros à la galerie Templon. Ils ont aussi laissé libre court à leur imagination lors d’une surprenante installation à la Galerie des Gobelins. 

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