VIDEO, CARL JARO, Réalisateur des Amants de Couleur

Désigné deuxième mannequin le plus influent au monde selon une plateforme média sud-africaine, le jeune homme de 29 ans, d’origine haïtienne, a pourtant tout plaqué en 2014 pour se...

Désigné deuxième mannequin le plus influent au monde selon une plateforme média sud-africaine, le jeune homme de 29 ans, d’origine haïtienne, a pourtant tout plaqué en 2014 pour se lancer dans un projet cinéma ambitieux : raconter la réalité de l’homosexualité dans les Caraïbes et en Afrique. Rencontre avec un autodidacte militant.

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Comment un jeune mannequin prometteur comme toi décide de se tourner vers le cinéma ?

C’est le cinéma qui m’a attiré le premier. Cette histoire me trottait dans la tête depuis un petit moment, mais mon objectif, c’était de me faire un nom d’abord : avant de revenir vers lui et véhiculer ensemble ce message de tolérance. J’ai grandi aux Antilles, avec des parents très croyants qui militent contre l’homosexualité : j’ai toujours voulu combattre leurs préjugés et leur montrer ma vision à moi.

Quelle est la vision de l’homosexualité dans les pays caribéens ?

La colonisation a utilisé la religion dans ces pays-là pour rendre les gens obéissants. Quand il faut juger l’autre, on y sort la Bible comme exemple [comme Boudin lors des débats sur le Pacs en 1999, ndlr]. Si on prend le cas des Antilles françaises, le Mariage pour tous n’a pas changé grand-chose à l’intolérance des gens. La Constitution haïtienne est très hypocrite, car elle n’en parle pas : il n’y a ni loi pénalisant l’homosexualité, ni l’homophobie non plus. Ce qui laisse la voie libre aux gens pour faire aux homos ce qu’ils veulent : on les frappe, on les brûle, on les tue.

De toute façon, ils ne seront pas condamnés. Il y a quelques années, un député haïtien avait lancé un autre projet de loi sur le mariage, après l’adoption de la loi en France. Sous le poids de la religion, le député a reculé. Je me suis dit que c’était bien que quelqu’un ose en parler, même s’il n’est pas allé jusqu’au bout. En Afrique, c’est pareil, même si la population y est majoritairement musulmane. Le problème, ce n’est pas une religion, mais les religions en général. Les gens s’en servent pour combattre l’homosexualité, et justifier son immoralité.

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Le film a fait beaucoup de bruits lors de ses sorties à l’étranger. Quelles ont été les réactions ?

Je me suis fait insulter et menacer sur les réseaux sociaux. Ils me reprochent de faire venir la culture du « blanc », vu que je vis en France. Aujourd’hui, on m’interdit même de mettre le pied dans mon pays.  Pour eux, j’essaie de leur imposer cette culture. D’autres me soutiennent, souvent en cachette, en me confiant « Ne lâche pas » ou « Tu me donnes de la force », mais jamais publiquement. Ça m’a encouragé à aller jusqu’au bout, même si certains membres de ma famille ou des amis ne me parlent plus.

Et au niveau des médias ?

Quand les journalistes locaux acceptaient que j’en parle dans ces pays, ils mettaient davantage en avant que j’étais mannequin, pas la thématique de mon film. On déguisait l’article. Je me suis dit : « Quelle hypocrisie ! »

On a la sensation que ce film, c’est davantage une mission pour toi…

Oui, sinon je n’aurais pas fait ce métier. Je prends un risque : celui de perdre ceux que j’aime. Mon éducation m’a appris à ne pas mentir ni être hypocrite, alors je dis ce que je pense. Pour ce projet, j’ai fait des stages où j’ai beaucoup observé… Et ensuite, on se lance. Quand on sait qu’on n’a pas le choix, on se lance. Quant aux financements, je me suis seulement servi de mes économies que j’accumule depuis longtemps. Au début, je cherchais des financements, mais quand ils ont vu que c’était un film gay, ils disaient non. Quand je veux quelque chose, je vais jusqu’au bout et je ne veux pas attendre.

Qu’est-ce que tu souhaites apporter avec ce film ?

J’espère participer au changement des idées. L’homophobie tue, l’amour nous rassemble… Si seulement, on pouvait s’aimer quelle que soit notre religion, notre couleur…

Quels sont tes projets ?

J’espère que ce film va permettre de me faire connaître pour obtenir des financements et faire autre chose. J’aimerais retourner à Haïti, en Jamaïque ou dans un pays africain pour filmer les choses telles qu’elles se passent. Je me vois en cinéaste militant. L’homophobie, c’était un premier projet, mais il y a tellement de choses qui me révoltent encore. Mes films seront toujours militants, provocants. J’aime mettre en lumière ce qu’on a tendance à cacher. Il faut affronter la peur et dire que ça existe.

Qu’est-ce que tu dirais à de jeunes haïtiens qui découvre leur homosexualité ?

Je sais que la vie n’est pas facile, mais je leur dirais de rester eux-mêmes. C’est ainsi qu’on arrive à faire passer un message, en montrant aux gens que ce qu’ils pensent n’est pas la réalité : ces jeunes peuvent devenir des exemples.

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Propos recueillis par Grégory ARDOIS-REMAUD
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