ÈVE PLENEL, DIRECTRICE DE #PARISSANSSIDA

"Le dépistage est la clé pour mettre fin à l’épidémie de VIH"

Déjà trois ans qu’ils sont en vente libre en pharmacie. En France, pourtant, il y a encore plus de 25 000 personnes qui ignoreraient leur séropositivité. Des chiffres qui interpellent celle qui se fixe comme objectif d’atteindre les 90 % de séropositifs diagnostiqués d’ici 2020…

Par Grégory Ardois-Remaud

VOUS ÊTES DIRECTRICE DE #PARISSANSSIDA. LES AUTOTESTS FONT-ILS PARTIE DES OUTILS SUR LESQUELS VOUS COMPTEZ POUR ATTEINDRE VOS OBJECTIFS ?

Le dépistage est la clé pour mettre fin à l’épidémie du VIH : un résultat positif, c’est avoir accès rapidement aux traitements pour rester en bonne santé et supprimer les risques de transmission, un résultat négatif, c’est être rassuré et réfléchir à des stratégies de protection, avec la possibilité d’initier la PrEP si on le souhaite.

Les recommandations nationales sur le dépistage sont sans équivoque : un test par trimestre pour les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes, un test par an pour les personnes nées à l’étranger, en particulier pendant les premières années d’installation en France et, régulièrement, lors des grands événements de la vie (conception d’un enfant, mariage, séparation, voyage…), pour le reste de la population.

On va donc vers un dépistage répété qui doit devenir un geste banal et fréquent : les autotests sont un outil indispensable pour y parvenir, en alternance avec un bilan complet de toutes les IST.

CELA FAIT DÉJÀ PLUS DE TROIS ANS QUE LES AUTOTESTS SONT DISPONIBLES EN PHARMACIE. QUEL BILAN EN TIREZ-VOUS ? QUELLES EN SONT LES LIMITES ?
Entre juillet 2017 et décembre 2018, nous avons financé la distribution gratuite de 20 000 autotests dans Paris. Sur la même période, moins de 10 000 y ont été vendus en pharmacie.

« Concernant le réflexe “autotest”, il y a clairement une grande marge de progression »

Il y a clairement une grande marge de progression ! Si le succès n’est pas au rendez-vous, c’est peut-être que le prix en est dissuasif et que l’outil n’est pas suffisamment mis en avant dans les officines ?

Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas encore un réflexe d’achat, alors que c’est la solution la plus simple pour des personnes qui ont besoin d’être régulièrement testées.

AUJOURD’HUI PLUS DE 25 000 PERSONNES IGNORERAIENT LEUR SÉROPOSITIVITÉ, DONT 40 % DE HSH. L’AUTOTEST EST-IL LA SOLUTION POUR ELLES ?
L’autotest n’est pas la solution, c’est une solution. Chaque cas est différent : pour certaines personnes, un dépistage rapide par leurs pairs, dans une association communautaire, sera plus facile. D’autres préféreront voir un médecin dans un CeGIDD.

« Le dépistage est la clé pour mettre fin à l’épidémie de VIH »

D’autres encore ont de bonnes relations avec leur médecin traitant et peuvent se rendre en laboratoire avec une ordonnance. Il existe maintenant des solutions de dépistage pour toutes les situations et notre mission est de les promouvoir globalement.

COMMENT FAIRE POUR QUE CES PERSONNES VIENNENT SE FAIRE DÉPISTER ET DONC TRAITER ?

Il est normal de craindre le résultat lorsque l’on fait un examen médical, quel qu’il soit. Notre travail est de dédramatiser cet acte en com- muniquant sur la réalité de ce qu’est la vie avec le VIH et sur le risque qu’il y a, pour soi-même et pour ses partenaires, à remettre le test à plus tard.

Beaucoup de gens ignorent que les traitements actuels sont souvent concentrés en un seul comprimé quotidien, que les effets secondaires sont limités voire inexistants, qu’avec les traitements l’espérance de vie est rétablie et que le virus ne peut plus être transmis.

« Avec la Mairie de Paris et l’Assurance maladie, nous expérimenterons, en 2019, le dépistage gratuit en laboratoire, au pied de chez soi, sans ordonnance préalable »

Et beaucoup de personnes attendent encore trop longtemps : à Paris, sur 530 hommes homos ou bisexuels nouvellement infectés chaque année, 132 l’apprennent au bout de quatre ans ou plus ! Des années en bonne santé de perdues pour eux et, potentiellement, un certain nombre de partenaires sexuels croisés pendant ce temps-là.

Notre rôle est également de faciliter le dépistage en créant des opportunités dans le quotidien des Parisiens.

OUTRE CET AUTOTEST, QUELS SONT LES OUTILS À METTRE EN PLACE POUR QUE LE DÉPISTAGE DEVIENNE AUTOMATIQUE ?

Avec la Mairie de Paris et l’Assurance maladie, nous expérimenterons, en 2019, le dépistage gratuit en laboratoire, au pied de chez soi, sans ordonnance préalable. Une petite révolution qui doit permettre de démultiplier les occasions de dépistage, en particulier pour les gays.

Nous rêvons aussi d’ouvrir à Paris un centre de dépistage VIH/IST à haut rendement, à l’image de la clinique Dean Street Express à Londres.

Il serait également génial de pouvoir organiser, à grande échelle, l’envoi de kits d’auto-prélèvement par voie postale, sur abonnement, comme l’a expérimenté Santé Publique France, en 2018, avec l’étude Mémo-Dépistages.

QUEL CONSEIL DONNERIEZ-VOUS À QUELQU’UN QUI A PEUR DE SE FAIRE DÉPISTER ?

L’appréhension d’un résultat positif est normale. Mais il ne sert à rien d’attendre : attendre, c’est continuer à avoir peur, c’est reporter un éven- tuel traitement et peut-être exposer ses partenaires…

À l’inverse, connaître son statut sérologique, c’est pouvoir agir et trouver des solutions. Mon conseil : faites-vous accompagner par un(e) proche, choisissez un lieu qui vous paraît accueillant, prévoyez un truc sympa à faire avec des amis après le résultat, lisez les témoignages de militants comme Fred Colby (fred-colby.com/blog) et ne restez pas seul avec vos doutes.

Actu gay
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